En 1922 notre commune a perdu plusieurs hectares au profit de Daoulas. Nous relatons cette annexion par cet historique. Les extraits des conseils municipaux de Daoulas et Saint-Urbain sont « en italique ».
Le conseil municipal de Daoulas lors de sa séance du 19 novembre 1909 relate le projet « d’agrandissement de la commune et prie Monsieur le Préfet de nommer une commission qui sera chargée de le poursuivre ».
Sous le mandat de M. Danguy des Déserts, maire de Daoulas, la question est ravivée. Il explique à son conseil le 17 novembre 1911 « les démarches faites auprès de M. Le Préfet par lui, près du ministre de l’Intérieur, président du Conseil pour reprendre la question en suspend depuis longtemps de l’agrandissement de la commune. Il lit une lettre du Préfet disant que la question devra être reprise comme si elle était nouvelle, pour suite de la perte du dossier par le Ministère ».
La séance extraordinaire du 27 décembre 1911 à 17h est exclusivement réservée « à cette question pendante depuis 1894 », « affaire ne pouvant revivre que après avoir été reprise depuis l’origine comme si elle était nouvelle. » Une très longue délibération est prise, exposant précisément les arguments visant à agrandir la commune de Daoulas aux dépends des communes d’Irvillac et de Saint-Urbain.
Daoulas fin 1911 a une superficie de 167 hectares (contre 542 aujourd’hui) et une population de 800 habitants. 1/6 sont des indigents (134 inscrits sur la liste de l’assistance) donc toute la charge retombe sur les 5/6 des habitants. Le maire développe en disant que « la situation au centre du canton dont elle est le chef-lieu, les obligations qui en ressortent pour elle, les charges qu’elle s’est imposée en construisant des écoles, dont profitent plus qu’elle même les communes qui l’entourent, sa position géographique, l’intérêt des populations qu’il s’agit d’annexer, le bon fonctionnement de l’administration municipale de Daoulas, son existence même, tout contribue à faire de cet agrandissement une nécessité. »
Les arguments de la commune de Daoulas tiennent en 5 points :
I – Daoulas chef lieu de canton
Elle est bien placée, et il ne faudrait selon le maire, « ne pas la déposséder de son titre de chef lieu ». Elle est un lieu de réunions importantes, lieux de justice de paix, de réunions de divers syndicats. Elle paie aussi les « indemnités des résidences inhérentes à tout chef lieu de canton »
II- Daoulas au point de vue scolaire
La commune fait des gros sacrifices pour son école, « un des premiers à envisager dans notre démocratie ». « Ces écoles ont profité autant aux communes voisines qu’à elle-même ». Sur 135 élèves dans l’école des garçons, 85 demeurent à Daoulas, et 50 sont étrangers, tant d’Irvillac que de Saint-Urbain. Dans l’école des filles, 109 élèves dont 40 étrangères.
Bien que « le résultat fasse honneur à nos 3 instituteurs, et prouve l’excellence de leurs capacités et en quelle estime les tiennent nos voisins, mais il démontre clairement la situation géographique de notre commune » écrit le maire. Il poursuit ainsi « il n’est pas juste que les sacrifices que nous faisons ainsi pour l’instruction profitent plus et même autant à nos voisins qui ne paient rien de ce chef, qu’à nous-mêmes qui faisons tous les frais ».
III- Daoulas géographiquement
Ce qui concerne Saint-Urbain : l’agglomération du bourg est à 100 m à peine des villages de Kernévez et Guern-Ar-Piquet qui dépendent de Saint-Urbain et qui sont à 5km du bourg. En ce qui concerne Irvillac, il parle « d’anomalie telle que d’un simple regard jeté sur la carte, Daoulas situé au centre du territoire d’Irvillac et les habitants de cette section qu’il conviendrait d’annexer soit contraints de traverser la localité de Daoulas pour se rendre au chef-lieu sis à 5km au-delà. » Pour le maire, l’argument est donc que « traverser Daoulas provoque un long trajet préjudiciable à la santé des nouveau-nés et une perte de temps pour tous. »
IV- Daoulas et ses rapports journaliers avec les communes à annexer
Les habitants de Kernévez et Guern-Ar-Piquet ont relation « uniquement avec Saint Urbain que pour payer les impôts et la rédaction des actes d’état civil. » De plus Daoulas « est le centre de l’approvisionnement de tous les besoins et l’église de Daoulas est la seule où ils remplissent leur devoir religieux. » D’ailleurs concernant l’annexion des territoires, la commune de Daoulas a (écrit-elle) en sa possession de la part de ces habitants « une pétition signée en ce sens, qui sera au dossier pour éclairer la religion des commissaires enquêteurs et des autorités auxquelles sera soumise la question »
V- Buts et effets de l’annexion
Faciliter la communication, faciliter les actes de la vie civile, et vie religieuse, faciliter l’acte d’impôts et financement des écoles.
Le conseil municipal de Daoulas est d’avis par 10 voix pour et 2 contre pour cette annexion.
En ce qui concerne Saint-Urbain la nouvelle découpe de son territoire serait ainsi : villages de Guern-Ar-Piquet et Kernévez dont Quélennec avoisinant immédiatement le long de Daoulas et distants de 5 km du bourg soient distraits de la commune pour être annexés à Daoulas, qui s’engage à prendre « les frais de conception des plans dont la production est indispensable et ceux du remaniement des documents cadastraux des communes en cause ».
La séance extraordinaire du 23 juin 1912, sous la présidence du maire de Saint-Urbain, M. Diverrès aborde le sujet délicat « du projet de rattachement à Daoulas des villages de Kernévez-Pontquellenec et Guern Ar Piquet actuellement en Saint Urbain ». Lors du résultat de l’enquête ouverte 4 jours plus tôt, il ressort « que 100 protestataires c'est-à-dire la totalité des contribuables de la commune ont signé spontanément une déclaration réclamant le statut-quo, et qu’aucune déclaration n’a été faite en faveur du dit projet, et que l’avis du commissaire enquêteur y est également très défavorable ».
Le conseil décide à l’unanimité des voix qu’il ne soit pas donné suite au projet, rajoutant que « la commune était déjà grevée de dettes vis-à-vis de ces villages, notamment pour l’entretien des chemins. »
Le conseil en ce qui concerne Saint-Urbain fait remarquer « que la fréquentation scolaire à Daoulas n’est pas un motif. Vu que d’autres localités comme celles d’Irvillac, Tréflévénez et Landerneau sont aussi fréquentées par des élèves de Saint Urbain,... et que la fréquentation scolaire est plutôt une question de valeur professionnelle qu’une question de proximité de lieu. »
La session extraordinaire du 16 mars 1913 débouche sur le maintien d’un avis défavorable du dit projet. Cependant, le conseil municipal évalue les partages des dettes et valeurs immobilières en cas d’annexion.
A Daoulas, le conseil du 16 mai 1913 évoque la réponse du préfet qui demande « un avis du conseil sur le projet lui-même et sur les conditions auxquelles sa réalisation est subordonnée en ce qui concerne la commune de Daoulas » Le conseil argumente que « vu la pétition signée par tous les intéressés sauf 1 », l’arrêté préfectoral du 5 septembre 1912 désignant « 3 membres d’une commission syndicale » pour chacune des deux communes à annexer pour avis sur le projet et sur les conditions de réalisation, et que les électeurs ont élu au vote quasi unanime les personnes qui étaient favorables aux projets d’annexion.
De plus « les membres des commissions syndicales ont émis à la date du 10 mars 1913 un vœu très favorable ».
A Saint-Urbain, la séance du 23 mai 1920 à 9h du matin, présidée par M. De Parcevaux, maire, indique que « le Sous- Préfet demande l’avis du conseil municipal pour "le Partage des biens des pauvres" dans le cas de l’annexion ». Le conseil, toujours défavorable, s’exécute tout de même à chiffrer le coût, et il désire le partage avec Daoulas des emprunts sur les écoles à hauteur de 2196 francs et des emprunts sur les chemins vicinaux (3289 francs), ainsi que la part du salaire du cantonnier (sur les 14 km de voies, la commune en perdant 800 mètres au profit de Daoulas).
La séance du 23 octobre 1920 s’achève sur ce constat amer du conseil. Face à ce projet, il argumente ainsi « Aucun des habitants des 2 villages à annexer ne s’est présenté pendant toute la durée de l’enquête publique ouverte pour exprimer sa volonté de rattachement à Daoulas. » Et de conclure du coup « que cette population n’a aucun intérêt ni même utilité à être rattachée » Il informe le Préfet que cette demande « émane principalement de la Municipalité de Daoulas ».
À la séance du 10 novembre 1922, le conseil municipal de Daoulas prend acte du décret du président de la République française en date du 03 octobre 1922 entérinant l’annexion de territoires d’Irvillac et de Saint-Urbain à la commune de Daoulas. Irvillac perdra beaucoup de territoires et son accès à la mer.
Julien POUPON