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L’incendie de l’église en 1904

Les citations et les extraits issus des différentes sources sont reproduits en « italique ».

Dans la nuit du 13 au 14 novembre 1904 un incendie a entièrement détruit l’église de Saint-Urbain

Le sinistre est survenu dans une époque politiquement très troublée par les mesures prises par le gouvernement d’Émile Combes – connu pour son anticléricalisme virulent – contre les congrégations religieuses. La loi de séparation des Églises et de l’État est votée le 3 juillet 1905 mais le problème de dévolution des biens des Églises, de l’Église catholique en particulier, va en empêcher l’application.

Que s’est-il passé dans cette nuit du 13 au 14 novembre ?

Si l’on en croit l’article paru dans Le Pèlerin du 4 décembre 1904, à replacer dans le contexte passionnel de l’époque :

« Après les croix abattues, les églises brûlées, la haine des impies suit son cours.
L’église paroissiale de St-Urbain
[...] a été complètement détruite par un incendie dû à la malveillance.
C’est vers onze heures du soir que le feu s’est déclaré. En quelques instants, tout l’édifice flambait. A peine avait on aperçu les premières flammes que la toiture s’effondrait, les vitraux éclataient et des crépitements se faisaient entendre à l’intérieur
[...]
Des secours furent organisés, mais faute d’eau et de pompe on se borna à sauver les objets précieux…
En moins de deux heures tout était détruit
[...] la population est convaincue que l’on se trouve en présence d’un attentat. On a en effet trouvé fracturée à l’aide d’un fort levier une porte qui n’avait pas été ouverte depuis trente ans. »

Quelles sont les causes réelles du sinistre ? l’incendie est-il volontaire ou accidentel ?

L’enquête qui a suivi, a émis l’hypothèse d’un sinistre accidentel : la chaîne qui retient la bougie allumée, symbolisant la présence perpétuelle, près de l’autel se serait rompue. La bougie s’est consumée sur le plancher qui lentement s’est carbonisé.
Comment expliquer la rapidité du sinistre ? la carbonisation lente du bois a dégagé des gaz combustibles qui se sont enflammés brutalement lorsque la concentration a été suffisante. Le même phénomène de combustion initiale lente a été constaté lors des sinistres des églises de St-Sauveur et de St-Thégonnec.

Si l’incendie a été volontaire, nul coupable n’a été arrêté.
Si l’incendie est accidentel, la rupture de la chaîne semble peu probable.

La cause n’est-elle pas due à une bougie allumée oubliée involontairement sur une chaise ou un banc ?

Une question se pose aussi : où étaient les objets de culte, calices, ciboires, boîtes aux Saintes Huiles en étain, ornements liturgiques...? Dans le contexte agité de l’époque avaient-ils été mis en lieu sûr ? Aucun d’eux n’ayant, semble-t-il, été détruit. L’extension très rapide du feu n’aurait probablement pas permis leur sauvetage.
L’incendie a ravagé entièrement l’église, anéantissant tout le mobilier, la statuaire en bois et les tableaux. Il ne reste que les murs – les pierres rougies par le feu du transept nord portent encore la marque du désastre – et le clocher.

Après la destruction se pose le problème de la reconstruction.

Un mémoire de monsieur Jouan de la Passardière permet d’éviter la destruction totale de l’édifice : « […] l’église de St-Urbain est un monument qui présente un caractère architectural intéressant, que ce serait un acte de vandalisme de la faire disparaître et qu’il faut se borner à la restaurer ».

La restauration de l’église est acquise mais commence aussi une saga politique et financière sur fond d’anticléricalisme.
La fabriqueNote_1 avait assuré l’église pour 19 000 francs et le mobilier en dépendant pour 3 000 francs, auprès de la compagnie d’assurances « Le Monde ».

Le 1er décembre 1904 une expertise fixe à 16 585,15 francs l’indemnité du sinistre.
Le conseil de fabrique accepte le règlement amiable proposé par la compagnie d’assurance qui demande le 21 décembre 1904 au maire « […] de fournir le plus tôt possible une décision du conseil de préfecture l’autorisant à accepter le règlement amiable… de 16 585,15 F. »
La fabrique conteste. Elle estime qu’elle est la seule à avoir droit à cette indemnité car c’est elle qui a assuré l’église et payé la prime.

Dans une lettre du 13 janvier 1905, le sous-préfet précise que « l’église incendiée est antérieure au concordat et par ce fait propriété communale. C’est donc à la caisse communale que doit être versée l’indemnité… ».

Le 29 janvier 1905, la commune accepte l’indemnité.
Le cahier des charges des travaux, présenté par Mr. Jouan de la Passardière, ingénieur civil à Brest, est approuvé par Mr. Diverres, maire, et accepté par Mr. Migot, entrepreneur à Brest, le 30 novembre 1905. Le même jour le marché de gré à gré est passé.

Les travaux avancent rapidement, la reconstruction est achevée en août 1906. La fabrique, qui a acquis auprès de Mr. Caujan – sculpteur – une chaire à prêcher (1000 F) et deux confessionnaux (600 F) et de Mr. Guyader – sculpteur– les fonts baptismaux (450 F), n’a toujours pas réglé ce mobilier en mai 1907, l’indemnité due pour le mobilier est bloquée.

Mr Guayder avait écrit en janvier 1907 au préfet pour réclamer son dû : « [...] ces travaux sont livrés il y a un an…cela est bien ennuyeux pour moi, j’ai besoin d’argent et me vois dans l’obligation de remercier mes ouvriers faute ne pouvoir les payer ». Le déblocage de l’indemnité pour le mobilier se heurte à diverses oppositions dues à l’application stricte de la loi.

Dans sa lettre du 26 septembre 1907, le ministère de l’Intérieur, des Beaux Arts et des Cultes demande au préfet des précisions sur la fourniture des meubles : sont-ils à usage cultuel ou non-cultuel ? La réponse dut être satisfaisante.
En effet, le 11 avril 1908 la préfecture fait savoir qu’ « il est opportun en fait d’autoriser à titre exceptionnel la commune de Saint-Urbain à solder le montant intégral de la fourniture au moyen exclusif de l’indemnité d’assurances dont elle dispose ».
Ce qui est fait le lendemain.

Il se sera donc écoulé près de trois ans et demi pour que soit réglé le problème de la reconstruction de l’église. Cette période aura vu un échange de courrier important entre tous les intervenants : municipalité, fabrique, préfet et sous-préfet, ministère, entrepreneur. Qu’en serait-il aujourd’hui ?

Jean-Luc Richard

Sources et bibliographie

Liasse 1 V 543, Eglise et chapelle de Saint-Urbain, archives départementales du Finistère, dépôt de Brest.
Le Pèlerin du 4 décembre 1904.
André Castelot et Alain Decaux, Histoire de la France et des Français au jour le jour, tome 8, 1902-1969. Librairie Académique Perrin.


1. ↑ : La fabrique, au sein d'une communauté paroissiale catholique, désigne un ensemble de « décideurs » (clercs et laïcs) nommés pour assurer la responsabilité de la collecte et l'administration des fonds et revenus nécessaires à la construction puis l'entretien des édifices religieux et du mobilier de la paroisse.